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polycrise ou bien une seule grande crise ?

Ces derniers temps, un mot a pris ses quartiers dans les médias, les rapports d’experts et les conférences en costard : polycrise. Le mot a l’air intelligent, presque rassurant — comme si le fait de nommer les choses leur donnait une forme de maîtrise. Pourtant, à force de l’entendre, quelque chose m’a gratté l’oreille.

Et si ce terme, en apparence pertinent, nous faisait justement passer à côté de l’essentiel ?
Et si ce n’était pas plusieurs crises… mais une seule, immense, globale, enracinée dans un regard trop longtemps fragmenté sur le monde ?

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Polycrise : un mot pour nommer… ou pour compartimenter ?

Le mot « polycrise » semble moderne, pratique. Il désigne une situation où plusieurs crises se manifestent en même temps : climat, économie, géopolitique, santé, démocratie, relations sociales… À première vue, il a le mérite de reconnaître l’ampleur et la simultanéité des tensions. Il est d’ailleurs utilisé par des institutions comme le Forum économique mondial de Davos ou la Banque mondiale pour tenter de comprendre cette complexité.

Nommer n’est pas toujours relier.

Derrière le confort apparent du mot “polycrise”, se cache une logique de séparation. Comme s’il s’agissait d’une série de problèmes indépendants qui, par malchance, se manifesteraient tous en même temps. Comme s’il suffisait de résoudre chaque « crise » dans sa colonne Excel pour rétablir l’équilibre général.

Or, c’est précisément cette manière de penser en silos — en « domaines », en « secteurs », en « spécialités » — qui nous a conduits là où nous sommes.

 

Ce qui craque, c’est une vision du monde

Regardons de plus près. Ce qui s’effondre aujourd’hui, ce n’est pas seulement le climat, ou les marchés, ou la biodiversité, ou la santé mentale collective.

Ce qui s’effondre, c’est un imaginaire, un système de croyances, une manière de se représenter la réalité.
C’est l’idée que l’humain est séparé de la nature.
Que la croissance est infinie.
Que la technologie nous sauvera toujours à temps.
Que l’on peut contrôler le vivant comme on ajuste une machine.

Cette crise globale est ontologique avant d’être écologique, économique ou politique. C’est une crise du sens, une crise de notre lien au vivant, une crise de la relation – aux autres, à soi, au monde.

Le vivant ne connaît pas les silos

Dans le vivant, tout se répond, tout s’engendre, tout circule.

Une sécheresse ici déplace des populations ailleurs, ce qui agite des tensions sociales là-bas, ce qui fait grimper l’extrême droite ici, ce qui influence des politiques climatiques ailleurs encore.

Ce n’est pas une chaîne causale linéaire, c’est un réseau. Un tissu. Une danse. Quand on tire sur un fil, c’est toute la trame qui frémit.

Les anciens savaient cela intuitivement. Et aujourd’hui, même les sciences dures redécouvrent l’interdépendance : des microbiotes intestinaux à la régulation du climat, tout est connecté. Le monde est relation, pas entités isolées.

 

Ce que nous appelons “polycrise” ressemble à une mue

Et si cette soi-disant “polycrise” n’était pas un empilement d’échecs, mais le râle d’agonie d’un ancien monde… et peut-être, déjà, le premier cri d’un monde en gestation ?

Ce moment où tout semble se déliter pourrait bien être une mue civilisationnelle.
Mais attention : une mue n’est pas une opération sans douleur. Le serpent ne se débarrasse pas de sa peau d’un coup de baguette magique. Il frotte, il gratte, il se tord.

Un regard historique : ce n’est pas la première fois

L’histoire humaine est tissée d’effondrements. Et ce qui est frappant, c’est que ces basculements majeurs ont toujours été multiformes, comme aujourd’hui.

Prenons la fin de l’Empire romain.
Ce n’est pas une seule crise qui l’a emporté, mais une conjonction :

épuisement du modèle économique basé sur l’esclavage,

délitement du tissu social,

pressions extérieures (invasions, mais aussi migrations),

perte de légitimité des institutions,

et au fond, perte de sens collectif.

On pourrait dire la même chose des Mayas, des civilisations de l’Indus, ou même de l’effondrement de la modernité soviétique. Ce sont toujours des systèmes entiers qui s’essoufflent, non pas à cause d’une cause unique, mais par saturation interne et résonance externe.

Alors, que faire de tout cela ?

Il serait tentant de céder au fatalisme. De se dire que “c’est foutu”, ou au contraire de foncer tête baissée vers des solutions techniques censées tout régler (IA, géo-ingénierie, décroissance brutale ou fantasmes de retour à la terre).
Mais peut-être faut-il d’abord changer de regard.

Plutôt que de chercher à “résoudre” la polycrise, nous pouvons apprendre à lire les signes.
À ralentir. À sentir ce qui, dans cette grande agitation, cherche à naître.

Et surtout, à désapprendre la séparation.

Conclusion : Une seule crise… celle du lien

Finalement, il n’y a peut-être pas beaucoup de crises, mais une seule, immense, traversante : la crise du lien.

Le lien entre l’humain et la nature.
Le lien entre notre pensée et nos actes.
Le lien entre les vivants, visibles et invisibles.

Redonner place à ces liens, c’est peut-être le début d’une réponse.
Pas une solution miracle, non.
Mais une posture vivante, enracinée, ouverte. Une posture qui ne prétend pas tout maîtriser, mais qui accepte l’imprévisible comme une composante du réel.

Et si ce n’était pas la fin du monde… mais la fin d’un monde ?
Et donc, le début d’un autre ?

Eric Langermann

Les humains sont-ils encore humains

Les humains sont-ils encore humains ?

Les humains sont-ils encore prioritairement des êtres humains, sensibles, lumineux et sombres, forts et vulnérables ?

Ou bien sommes-nous principalement des machines, des performers, des compétiteurs, des résultats, des postures, des comportements, des informations, des connaissances, des compétences ?

Sommes-nous d’abord des machines et ensuite, dans l’intimité seulement, des humains ?

 

Un gamin de 17 ans, lycéen comme beaucoup d’autres, l’attention rivée sur les écrans, sans père avec une mère qui se plie en 4 pour être présente sans en faire trop, à lui offrir un cadre d’amour et d’attention. Un gamin qui est mature et qui en même temps s’enfonce dans l’absence de contact avec la vie la vraie, ne bouge pas son corps et donc ne bouge pas bien ses neurones. Un gamin qui angoisse, un gamin qui réclame de l’aide sans l’exprimer.

On n’exprime pas ses besoins dans une société qui réclame d’être des apparences, des comportements de winners, où absolument le moindre gestes, le moindre mot est jugé, et la moindre « faiblesse » traquée, exploitée, retournée, amplifiée ! Où peut-on encore être vulnérable sans être catégorisé ? Sans être envoyé chez un psy ? Où sont les amis, ceux à qui ont pouvait confier ses incompréhensions, ses fragilités, ses rebellions, ses désespoirs ?

Où sont les relations qui sont d’abord tournées vers le lien à l’autre ? où est la liberté d’être soi ?

Alors ce gamin-là a exprimé son mal-être, mais en restant dans les limites de l’acceptable. Surtout ne pas paraitre névrosé, surtout ne pas être étiqueté ! S’exprimer c’est être pas comme les autres, c’est ne pas être dans la normalité toujours plus étroite : on a le droit d’être mal, mais pas trop ! Dire au grand jour qu’il est très mal en lui n’était pas possible ! C’est trop !

Alors il a cherché, et a trouvé. Pas de drogue, pas d’alcool. Il a trouvé une autre drogue, celle des sparadraps de l’urgence médicamenteuse. Un anxiolytique courant. Un cachet, puis un autre. Mais comment s’en procurer d’autres sans avouer son mal-être ? Le trafic, oui.

Pour un médicament. Pour combattre la mal-être de l’angoisse aigue. Un trafic de fausses ordonnances.

Puis la police débarque. 6 flics, les menottes, l’interrogatoire, la mise en garde à vue, les parents tenus dans l’ignorance de ce qui se passe. Un gamin de 17 ans en mal-être profond traité comme le pire des délinquants, sans assistance, sans humanité. Seul son crime compte, son mal-être, la raison de son crime n’existe pas, même si elle est criante de souffrance !

Le juge voulait le garder une nuit de plus en garde à vue, pour pourrir encore plus cet être humain. Comme si d’autres mesures d’isolement ne pouvaient exister !? comme si on ne pouvait pas être humain avec un gamin de 17 ans ?! Ces policiers sont probablement plus humains avec leur chien. Différence : ils traitent leur chien avec humanité, leur humanité disparait en face d’autres humains qui ne font pas partie de leur monde.

Qu’à fait le gamin ? il a voulu se prendre en charge, de façon maladroite et comme il a pu. Il n’a fait de mal à personne, il s’est venu en aide à lui-même pendant que la société ne le jugeait pas.

Qu’à fait la société ? L’enfoncer, nier sa souffrance, le priver d’humanité et ne retenir que la faute, le crime, le mal, en niant le mal-être. Pourtant, ça existe l’aide psychologique ! Mais pas pour le grand délinquant qu’est ce gamin paumé avec ses angoisses.

Criant de souffrance, son comportement n’est que mal, l’être n’existe pas ! Le justice est une institution qui nie l’humanité des gens, qui dénigre toute humanité à tous ceux qui ont, à un moment de leur vie, été maladroits, vulnérables, perdus !

La justice d’un pays dénote la mentalité de l’Etat. Un état qui dénigre l’humanité de ses citoyens en ne retenant que leurs fautes est-il un état fort ? non, c’est un état faible qui à un moment donné va verser dans le pire, un état qui se dirige vers le pire.

Un système politique basé sur le fric du PIB est-il un système qui rend les gens heureux ? La France est championne du monde de consommation de médicaments psychotropes, est-ce le signe d’un bien-être ou d’un mal-être ?

Un système éducatif basé sur la compétition, sur les chiffres, les bonnes et les mauvaises notes, est-il celui du vivre-ensemble, de la fraternité, de l’entre-aide ?

Une démocratie basée sur la séparation entre ceux qui ont raison et ceux qui ont tort est-il celui d’une communauté qui s’épanouit, qui permet à chacun de trouver sa place, qui permet de vivre sans agressions permanentes, sans devoir sans cesse de battre, celui d’une démocratie en paix ?

… on me sert tout le temps, depuis que je suis ado, la même fausse réponse : « oui mais on fait quand même des choses pour le vivre-ensemble, pour la paix » : oui, c’est vrai, mais ce sont des actions qui viennent en plus, et seulement après un système qui est celui de l’avoir, pas celuide l’être ! Le fondamental de notre société n’est pas basé sur la paix, sur le vivre ensemble, sur l’harmonie, ce sont des valeurs qui viennent APRES celles du pouvoir, de l’avoir et du fric.

Il n’existe toujours pas, malgré l’obstination de nos dirigeants, d’avoir humain ! Il ne peut exister qu’un être humain.

Quels que soient nos comportements, nos habits, nos habitudes, nos apparences, nous sommes d’abord des humains : pas seulement chacun, mais l’autre aussi ! et les policiers ne sont pas dispensés de traiter les gens comme des humains : le pouvoir ne dispense pas d’être humain avec les autres humains !

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