Pour Spinoza, il n’existe en fait que ces deux sentiments fondamentaux : la joie et la tristesse.
Lorsque quelque chose ou quelqu’un nous apporte de la joie, nous allons concevoir de l’amour pour cette chose et inversement lorsque nous imaginons quelque chose qui diminue notre désir d’exister, nous allons concevoir de la haine pour cette chose. Donc au couple fondamental de sentiment joie-tristesse correspond à un deuxième couple de sentiments à savoir le couple amour et haine.
Spinoza dit que « tout ce qui provoque en nous un sentiment d’amour, nous voulons le faire croître, et tout ce qui provoque en nous un sentiment de haine, nous voulons l’anéantir »
Lorsque nous ressentons de la joie et que cette joie est associée à une cause extérieure à nous, par exemple à une personne, nous avons une tendance naturelle à vouloir conserver cette personne près de nous, car elle maintient notre sentiment de joie. Et donc nous éprouvons de l’amour pour cette personne.
Spinoza nous dit que l’amour est une joie qui est toujours accompagnée de l’idée d’une cause extérieure à nous, c’est parce que lorsque nous aimons quelqu’un, nous ne pouvons pas sortir de nous-mêmes pour nous attacher à cette personne, nous ne pouvons pas fusionner avec la personne que nous aimons. Chaque fois que nous imaginons la personne que nous aimons, nous nous réjouissons d’exister, et cette réjouissance renforce notre propre désir d’exister, et donc notre désir de durer dans l’existence. C’est comme ça qu’on peut confondre la joie d’exister que nous procure la présence de la personne (et la volonté légitime de garder ces émotions), et la personne elle-même. C’est comme ça que vient la tentation de s’approprier une personne, la dépendance affective, mais aussi la jalousie.
Symétriquement, la haine est toujours une tristesse accompagnée de l’idée d’une cause extérieure à nous. Nous haïssons toute chose ou toute personne qui nous empêche de nous aimer nous-même, et donc qui fait diminuer notre désir d’exister ce que nous haïssons nous allons donc non seulement nous efforcer de l’éloigner de notre pensée mais aussi de le détruire. C’est comme ça que nous confondons la personne et les émotions que sa présence provoquent en nous, en nous menant à faire du mal à la personne alors que nous voulons échapper aux émotions que nous ressentons.
Nos sentiments d’amour et de haine ne sont pas véritablement orientés vers autrui, mais fonctionnent plutôt comme un baromètre qui nous indique les variations d’intensité de notre désir d’exister, et ces variations dépendent toujours des idées que nous nous formons des choses extérieures.