Je me connecte et je te ressens
Auteur/autrice : Eric LANGERMANN (Page 1 of 102)
Vers la fin de sa vie, depuis sa résidence californienne, Giovanni Maciocia, grand enseignant de médecine traditionnelle chinoise a longuement étudié l’aspect spirituel de la MTC. Il en est venu à penser que l’acupuncture est une médecine démonique, réellement une médecine chamanique.
Dans un de ses cours, il disait l’origine de l’acupuncture se trouve dans l’idée des esprits malfaisants. Il expliquait qu’il ne croyait pas à l’explication chinoise moderne selon laquelle l’acupuncture aurait été découverte par essais et erreurs à travers le massage.
Pour lui, l’acupuncture est, dans une certaine mesure, un type de médecine démonique, car elle est entièrement subjective et individuelle. Elle dépend, disait-il, du moment où elle est pratiquée et de la personne qui la pratique. Si l’on réalise un essai clinique et que les médecins disent : « Nous avons utilisé ces points, cela n’a pas fonctionné », la vraie question selon lui serait : qui l’a fait, et quel était son Shen à ce moment-là.
À son origine, selon lui, les chamans se déplaçaient dans les villages en fendant l’air avec des flèches. Et un jour, toujours selon lui, ils auraient commencé à percer le corps pour faire sortir les esprits malfaisants.
Il considérait cela comme une conséquence logique si l’on observe le caractère même de cette médecine : il faut une « cavité » pour extraire l’entité mauvaise. Il soulignait d’ailleurs que le caractère chinois désignant un point d’acupuncture évoque un trou ou une cavité, et rappelait que, dans les croyances anciennes, les esprits malfaisants se cachent dans les cavernes.
Gui représente à la base l’âme d’une personne morte, c’est l’âme de cette personne dépourvue de corps qui s’élève vers le ciel après la mort. L’idée est qu’après la mort, l’âme survit.
Une remarque très importante : le “ciel” n’a rien à voir avec le paradis chrétien. Et ces idées sont très anciennes, sans aucun lien avec la réincarnation bouddhiste ou le karma. Elles remontent à 2000 av. J.-C., bien avant la naissance du Bouddha, et donc avant le taoïsme, le confucianisme ou le légisme.
Mais ces idées sont encore bien vivantes aujourd’hui : dans certaines régions rurales de Chine, ces pratiques existent toujours.
Les deux traits de l’idéogramme de Gui représentent le mouvement de cette âme sans corps après la mort. Ces deux petites lignes ont une signification clinique très importante pour le Hun, pour la nature même du Hun. Elles indiquent le mouvement de cette âme après la mort, et d’un point de vue psychologique, un aspect essentiel du Hun est justement son mouvement : le Hun est toujours en action, en train de chercher, de planifier, d’avoir des idées, etc…
À l’origine, Gui n’était ni bien ni mal : ce n’est pas forcément un esprit malfaisant, c’est simplement l’esprit d’une personne morte qui continue d’exister après le décès.
Deux mondes qui communiquent
Il y a la communauté des morts et la communauté des vivants, et elles communiquent. C’est pourquoi les Chinois ont un sens très fort du culte des ancêtres : il faut se comporter de manière éthique, notamment pour ne pas déplaire à ses ancêtres. Cette idée reste très forte aujourd’hui.
Pour vous montrer à quel point on croyait que l’âme survivait à la mort, les personnes importantes avaient de petites figurines placées dans leur tombe — d’ailleurs en remplacement du fait de mettre de vraies personnes dans les tombes, ce qui se faisait aussi.
Le premier empereur de Chine, Qin Shi Huangdi — celui qui a fait construire l’armée de terre cuite — a fait enterrer vivantes toutes ses concubines avec lui, parce qu’il en avait besoin dans l’au-delà.
Encore maintenant en Chine, c’est une très mauvaise chose si un homme célibataire meurt : c’est terrible, parce qu’il n’aura personne pour s’occuper de lui dans l’au-delà — c’est vraiment une chose horrible. Et dans des temps pas si anciens, si un jeune homme mourait dans un accident, on essayait de trouver une jeune femme récemment décédée pour la placer dans sa tombe.
Tout cela montre à quel point ces idées sont profondément enracinées.
Comprendre les 3 écoles de pensée de la médecine chinoise nous permet de décrypter les métaphores et les méthodes de traitement qui peuvent parfois sembler obscures ou même contradictoires, tout du moins incohérentes.
Lors d’une conférence donnée quelques années avant son décès, Giovanni Maciocia – l’un des auteurs occidentaux les plus influents en médecine chinoise – expliquait les trois grandes écoles de pensée qui ont profondément marqué la formation de la médecine chinoise classique : confucianisme, taoïsme et légisme.
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Les Trois Écoles de pensée de la médecine chinoise
Lors de ce cours quelques années avant son décès, Giovanni Maciocia expliquait que trois écoles de pensée ont exercé la plus grande influence sur la médecine, et qu’elles ont toutes coexisté à la même époque.
Nous parlons ici d’une époque très ancienne, la période des Royaumes Combattants, qui s’étend d’environ 476 à 221 av. J.-C.
Ces trois grandes écoles avaient des visions de la nature humaine assez opposées. Maciocia faisait remarquer l’absence de l’école bouddhiste, car elle n’est arrivée que bien plus tard.
La première est l’école confucéenne, qui croyait que la nature humaine est essentiellement bonne. C’est pourquoi Confucius ne croyait même pas à la punition, mais croyait en l’éducation.
À l’inverse, l’école légiste pensait que la nature humaine est essentiellement mauvaise et qu’elle ne peut être contrôlée que par des lois strictes et des punitions sévères. Selon Giovanni Maciocia, l’école légaliste a aussi eu une influence assez importante sur la médecine chinoise, une influence largement méconnue.
Et enfin le taoïsme, basé sur l’unité et l’équilibre naturel de toute chose.
Métaphores
Selon Maciocia, la médecine chinoise est un système de métaphores. Il y a de nombreuses métaphores en médecine chinoise. L’une d’elles est la métaphore des esprits pervers, qui constitue une part très importante de la médecine chinoise.
Une autre métaphore est une métaphore politique : l’État, les ministres et le gouvernement. Le Cœur est l’Empereur, le Poumon est le Premier Ministre, et ainsi de suite. Cette idée est en partie confucéenne, mais aussi largement légiste.
Pourquoi légiste ? Parce que cette école de pensée est liée à Qin Shi Huang, le tout premier empereur de Chine (celui qui a fait construire l’armée de terre cuite), qui a unifié la Chine pour la première fois. Il y avait donc un gouvernement central, d’où la récurrence de la métaphore politique en médecine chinoise.
Et d’ailleurs, le Neijing dit aussi que le Triple Réchauffeur le Ministre de l’Irrigation et des Canaux. À cette époque, le système de canaux venait d’être unifié pour la première fois. Ainsi, ce n’est pas un hasard si l’idée des méridiens est apparue plus ou moins à la même époque.
Les méthodes de traitement légalistes en acupuncture et en pharmacopée
Giovanni Maciocia estimait que beaucoup des méthodes actuellement utilisées sont en réalité issues du légisme, et non du taoïsme.
En médecine chinoise, on applique des « punitions sévères » et des lois strictes : si c’est chaud, on refroidit ; si c’est froid, on brûle avec du moxa ; s’il y a un facteur pathogène, on l’expulse… On utilise la purge, la sudation et le vomissement comme méthodes de traitement ; on utilise les aiguilles pour chasser les esprits pervers — c’est l’origine de l’acupuncture — et le moxa. Selon lui, cette approche est profondément légiste et ne peut pas être qualifiée de taoïste.
La philosophie du « chemin naturel » : l’influence taoïste
Maciocia précisait que la philosophie du chemin naturel est très taoïste : laisser la nature suivre son cours, intervenir le moins possible, favoriser le principe féminin, et laisser le corps se guérir lui-même. Il soulignait avec humour qu’il n’est jamais écrit dans le Neijing : « si vous avez un facteur pathogène, laissez le corps se guérir tout seul ». Ainsi, pour Giovanni Maciocia, l’influence de l’école légiste dans la médecine chinoise est largement sous-estimée.
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En plus d’être une médecine métaphorique complexe pour des esprits occidentaux très penchés sur leurs cerveaux gauche, les 3 écoles, par leurs différences et leurs oppositions même, sont à l’origine d’une difficulté d’appréhension de la MTC. On retrouve ainsi des principes de traitement interventionnistes, légistes qui bousculent ceux taoïstes qui harmonisent et accompagnent la nature, et enfin le confucianiste qui distribuent les rôles. Quelle serait votre choix ? Vers quel type de praticien iriez-vous ?
Le rôle excessif de la colère dans les causes de maladie en médecine chinoise
Vers la fin de sa vie, pendant une dizaine d’années, Giovanni Maciocia s’est particulièrement intéressé à la Psyché, dont il a tiré son dernier livre. Le plus grand auteur moderne de médecine chinoise a notamment mis en lumière le rôle excessif que nous portons à la colère dans les causes de maladie. Il l’a expliqué lors d’une conférence quelque temps avant son décès.
Durant la décade de recherches qu’il a mené avant de publier « La Psyché en Médecine chinoise », Giovanni Maciocia a étudié le confucianisme, le taoïsme et le légalisme, ainsi que l’influence de ces écoles sur la médecine chinoise. Il a lu les livres les plus obscurs concernant le concept du soi à la fin de la dynastie Han en Chine. L’une de ses thèses est que nous surestimons le rôle du taoïsme dans la médecine chinoise, et que nous sous-estimons celui du confucianisme. Et il pense que le confucianisme a eu une influence énorme sur la médecine chinoise — plus grande encore que le marxisme-léninisme moderne, en réalité.
Dans le Huang Di Nei Jing, certaines affirmations relèvent du taoïsme, et d’autres du confucianisme. Et beaucoup d’énoncés d’inspiration confucianiste ne s’appliquent pas vraiment à nous, car le sens du « soi » dans la philosophie confucianiste est complètement différent de notre sens occidental du soi. Beaucoup de ce qui est dit sur les émotions, par exemple, ne s’applique pas nécessairement à nous.
La colère surévaluée
Selon Giovanni Maciocia, la colère est surévaluée comme cause de maladie, aussi bien en Chine qu’en Occident. En Chine, lorsqu’on présente une liste d’émotions, la colère se trouve toujours en tête, et en Occident aussi. Maciocia le reliait au fait que la colère est l’émotion la plus perturbatrice du point de vue confucianiste.
En effet, le confucianisme est entièrement centré sur un système d’éthique familiale et sociale, dans lequel chacun a un rôle, des devoirs et des responsabilités. Si chacun suit ses devoirs conformément à son rôle, l’harmonie règne dans la famille et dans la société. Et la colère perturbe cette harmonie, car la colère pousse à la rébellion. Si l’on est triste ou en deuil, on ne se rebelle pas. Ainsi, du point de vue confucianiste, la colère est l’émotion la plus disruptive.
Quand on parle, par exemple, de montée du Yang du Foie, c’est du Qi qui contre-circule. En chinois, on appelle cela « Ni ». Et si l’on regarde le caractère « Ni », il porte une forte connotation politique. Lorsque le Yang du Foie s’élève, cela signifie « se rebeller, désobéir, défier, aller à l’encontre » : ce n’est pas un problème médical, c’est un problème politique ! Et d’ailleurs, le principe de traitement est « Shun », c’est-à-dire « faire que le Qi aille dans la bonne direction ». Et si l’on observe le sens de « Shun », cela signifie « se conformer, obéir ». La aussi, il s’agit d’un concept politique, non médical !
Ainsi, la colère est bien sûr une cause émotionnelle de maladie, et elle est courante. Mais elle est surestimée en raison de l’influence confucianiste dans la médecine chinoise.
Selon Giovanni Maciocia, les émotions bien plus fréquentes et durables que l’on observe chez les patients sont quatre : la tristesse, le deuil lié à la séparation et à la perte, l’inquiétude et la culpabilité … comme par hasard, ce sont les émotions identifiées par les psychothérapies bienveillantes actuelles
Le côté obscur des besoins émotionnels humains

Introduction
Nos besoins émotionnels fondamentaux s’enracinent dans les circuits de motivation du cerveau, et cherchent sans cesse à se réaliser. Ils colorent nos pensées, orientent nos choix, et des décisions que nous croyons rationnelles sont souvent des stratégies inconscientes de nourrir nos besoins émotionnels fondamentaux.
Ne pas les respecter est source de nombreux problemes relationnels avec soi et avec les autres. Cette série d’articles les explore et nous permet de mieux nous connaitre. Elle est très largement inspirée des travaux de Mark Tyrrell de Uncommon Knowledge.
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Un groupe de personnes traversait un désert sous une chaleur écrasante. Et soudain, dans la fournaise, sans réseau ni repères, leur véhicule tombe en panne. Ils se retrouvent bloqués, et assez rapidement leurs réserves d’eau s’épuisent. Un homme, devenu fou de chaleur, de panique et de soif, fini par céder et boit de l’huile du moteur de leur véhicule. Il en boit tellement qu’il meurt moins d’une demi-heure plus tard. Cet homme avait un vrai un besoin vital, incontestable. Il pensait le combler … mais le remède s’est avéré mortel !…
Vraie ou non, cette histoire est une analogie de la manière dont nos besoins émotionnels peuvent nous rendre tout aussi vulnérables, et nous pousser à des comportements tout aussi insensés.
« Pourquoi ai-je fait ça ? », « pourquoi ai-je commencé à fumer, à boire, à jouer ? », « pourquoi ai-je englouti des gâteaux toute la nuit ? », « pourquoi ai-je cédé à cette petite voix intérieure ? », « mais comment j’ai été si stupide pour suivre aveuglément cette personne / cette idéologie ? » … et cela parfois jusqu’à se nuire soi-même, à son développement, ou même à sa santé mentale, à ses relations, sa dignité.
Comment des êtres humains pourtant rationnels peuvent-ils agir de façon aussi irrationnelle ?
Cette série sur le côté obscur des besoins émotionnels cherche à montrer comment cette leur peut nous aider, nous, mais aussi les autres, qu’il s’agisse de nos proches, d’amis ou de collègues, à vivre être soi et avec les autres.
Nous avons tous des besoins émotionnels fondamentaux
Nous avons tous, à des degrés divers, besoin de donner et de recevoir de l’attention, de nous sentir en sécurité, de tenir compte du lien entre le corps et l’esprit ; Besoin d’avoir un but et un sens à notre vie, de nous sentir reliés à une communauté, d’avoir le sentiment de contribuer — même modestement — à quelque chose de plus grand que nous ; Besoin d’être stimulés, d’être créatifs, de relever des défis à notre mesure, d’éprouver l’intimité, de nous sentir libres et autonomes dans nos choix, et d’avoir un sentiment de valeur, de reconnaissance et de respect.
Lorsque nos besoins émotionnels fondamentaux ne sont pas suffisamment comblés, ou qu’ils ne sont en déséquilibre, nous devenons vulnérables. Et c’est là qu’un besoin devient toxique.
Mettre sa maison en ordre
De nombreuses traditions spirituelles anciennes exigaient que le postulant ait d’abord ses besoins émotionnels satisfaits avant de pouvoir chercher un épanouissement supérieur.
Il fallait qu’il ait « mis sa maison en ordre ». Sinon, l’activité spirituelle pouvait être considérée comme une forme de culte basé sur les émotions (voir The Commanding Self d’Idris Shah).
Un esprit affamé cherche des maîtres, des causes ou des amours non pas pour s’éveiller, mais pour combler ses manques. Et il y a un danger à confondre faim spirituelle et carence émotionnelle. L’une élève, l’autre asservit.
Dans The Commanding Self, Idries Shah montre comment le “faux soi” se nourrit de ces compensations : il crée un personnage de plus en plus convaincant, de plus en plus éloigné de l’être réel. Ainsi, nous pouvons nous croire “libérés” alors que nous ne faisons que jouer à l’être éveillé, dans une prison intérieure soigneusement décorée. Il y a une différence profonde entre le fait de ne pas tomber dans les dépendances et le fait de se détacher de ses besoins émotionnels. C’est alors s’aliéner à un système de croyance fermé alors même qu’on prétend être « éveillé/e »…
C’est si l’on adopte l’idée d’avoir d’abord ses besoins émotionnels satisfaits, qu’elle peut initier une vie spirituelle élévatrice.
Cœurs solitaires, premières cibles.
Les personnes émotionnellement isolées, celles qui ne donnent ni ne reçoivent assez d’attention, qui manquent d’interactions porteuses de sens ou d’intimité, ou qui ne se sentent pas appartenir à un groupe, deviennent vulnérables.
Les personnes qui ne parviennent pas à combler leurs besoins émotionnels, peut-être à cause de leur environnement ou d’une particularité comme l’autisme, sont elles aussi fragilisées.
Les êtres dont les besoins émotionnels ne sont pas satisfaits deviennent parfois vulnérables à leurs propres pulsions affectives. Et comme le type de mon analogie qui a bu de l’huile de moteur, ils s’exposent alors eux-mêmes à des dangers.
C’est là qu’on trouve les comportements compulsifs et d’évitement. Boire par mal-être, manger n’importe quoi, jouer aux jeux d’argent, faire du sport à outrance, travailler jusqu’à en être saoul, les jeux sexuels déviants…
Les personnes vulnérables sont particulièrement enclines à la dépression lorsqu’elles ruminent ce que sont des besoins non nourris mais mal compris. Comprendre ses vulnérabilités avec tendresse pour soi, c’est faire un pas vers la guérison.
Un thérapeute responsable
Un thérapeute responsable travaille à aider ses clients à rééquilibrer leurs besoins émotionnels. Il les aident à comprendre ces besoins, et à lever les obstacles qui empêchent leur accomplissement. Il les accompagne à trouver des moyens durables et autonomes de satisfaire leurs besoins en dehors du cadre thérapeutique. Les séances peuvent être comparées à des petites roues sur un vélo : elles soutiennent le client le temps qu’il retrouve son équilibre, jusqu’à pouvoir s’en passer. Autrement dit, la thérapie est faite pour être dépassée, non pas pour durer indéfiniment.
Les fournisseurs de besoins émotionnels
Beaucoup d’entre nous se méfient d’être manipulés par autrui, mais oublient qu’on peut aussi être manipulé par nos propres pulsions émotionnelles, en réponse à des vides émotionnels au travers de comportements insidieux, discrets, de croyances, de peurs irrationnelles, de compulsions et d’addictions, fussent-elles douces et même socialement normalisées.
Et lorsque d’autres perçoivent les besoins non comblés chez nous, ils peuvent choisir d’y répondre… ou du moins d’en donner l’illusion. Dès lors, ces personnes deviennent “le fournisseur” d’attention, de sens, ou d’estime de soi, d’affection, de lien, de valorisation, de confiance, d’intimité … et le marketing est maitre en la matière : nous fournir du sucre émotionnel, des émotions ultra-transformées prêtes à consommer.
C’est en faisant un pas de côté, en passant en revue nos besoins émotionnels, en se posant les bonnes questions, qu’on peut ensuite facilement identifier ce dont nous n’avons en fait pas besoin, ce en quoi nous faisons du mal à nous-même et aux autres, et redresser la barre.
Le dialogue bienveillant de la « psychothérapie dissonante » que je propos permet justement de dégager le terrain des besoins émotionnels, chez soi et chez nos proches.
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Lorsque nous comprenons clairement nos besoins émotionnels, nous voyons aussi pourquoi nos troubles émotionnels se développent, et nous donne un outil précieux pour comprendre quantité de comportements humains autrement inexplicables.
Cet article comme les autres sur le thèmes des besoins émotionnels est très largement inspiré par les travaux et les publications d’un maitre à penser, Mark Tyrrell.
L’attention, un des besoins émotionnels fondamentaux
Nos besoins en attention varient, selon nos parcours, selon notre environnement, nos activités, et ils sont dynamiques et évoluent au fil de la vie. Le besoin d’attention touche presque tous les aspects de la vie humaine, et il est crucial de le comprendre, car comprendre l’attention, c’est se comprendre dans ses relation à soi et au monde.
Des lacunes dans ce besoin d’attention peuvent poser problème, tant sur le plan émotionnel que social, et bloquer le développement personnel dans le bien-être : c’est un des besoins émotionnels fondamentaux.
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Chez le nourrisson, le besoin d’attention est pur : il pleure simplement pour l’obtenir. Mais si, lors d’une soirée, je me sens ignoré, je ne peux pas me mettre à hurler pour qu’on me regarde.
Les adultes sont plus subtils que les bébés : ils trouvent des moyens complexes et détournés de nourrir leur besoin d’attention.
Si nous ne comblons pas ce besoin de manière saine, nous devenons moins agiles dans nos relations avec nous-m’aime et les autres, plus agités, et devenons source de difficultés pour nous-mêmes et pour les autres — souvent sans même savoir que nous cherchons de l’attention.
« L’amour immatériel, c’est l’attention » Erich Fromm
Je suis assoiffé d’attention !
Lorsqu’une personne demande sans cesse des conseils ou de la réassurance, mais n’écoute jamais vraiment les réponses, ce n’est pas un conseil qu’elle recherche : c’est votre attention.
Il est plus facile de dire « Peux-tu me donner ton avis ? » que « J’ai besoin d’attention ».
Nous connaissons tous des personnes qui réclament plus que leur juste part d’attention.
Elles parlent longuement, attendent qu’on les écoute religieusement, mais sont incapables de rester concentrées quand c’est à votre tour de parler.
Chaque fois que vous réussissez à placer quelques mots — si elles vous en laissent l’occasion —, elles s’impatientent de reprendre la parole, utilisant ce court laps de temps non pas pour vous écouter, mais pour préparer ce qu’elles vont dire ensuite.
Ce genre de personnes peut être difficile à côtoyer — du moins jusqu’à ce qu’elles aient bu suffisamment à la coupe de votre attention pour étancher leur soif émotionnelle.
Attentions artificielles
Mais il n’y a pas forcément besoin de manipulateurs extérieurs. Un désir incontrôlé d’attention peut nous pousser à le chercher ailleurs.
Si quelqu’un est « affamé » d’attention, ce besoin peut devenir si urgent qu’il l’empêche paradoxalement de créer des liens sociaux, alors même que ces liens pourraient constituer une source saine d’attention.
C’est ainsi qu’une personne en manque d’attention peut s’attacher à une personne, ou à un thérapeute, ou encore sombrer dans une relation virtuelle, pour nourrir un besoin d’attention artificiel et sens unique.
Commerçants, thérapeutes ou même proches peut être tentés d’offrir (ou de vendre) une attention intéressée pour contrôler une personne en manque d’attention, et la garder dans une zone de confort, plutôt que de l’accompagner, l’encourager et l’aider à se réorienter vers des aspects plus positifs de sa vie, et à se détacher réellement du manque.
J’ai moi-même entendu une amie retourner encore et encore chez une psychologue qui, en définitive, validait à chaque séance ses plaintes en lui apportant simplement de l’attention et une fausse compassion. La cliente n’avait donc pas besoin de construire des vraies relations d’attention désintéressée et amicale, ni de progresser puisque le manque était comblé une fois par semaine. De plus, elle recevait de l’attention sans avoir besoin d’en porter à d’autres, d’en donner, et la paresse est plus confortable.
Cette facilité d’accès ouvre la voie à un auto-embrigadement : le bénéfice secondaire d’une attention artificielle et sans efforts s’accompagne de la crainte de perdre leur source d’attention si elles allaient mieux.
Et « l’amour immatériel, c’est l’attention » d’Erich Fromm, ouvre une voie royale aux relations virtuelles dans une société dont l’attention est de plus en plus intéressée. Mais cette attention-là, pleine d’intentions, ne nourrit pas le besoin émotionnel d’attention.
L’attention obtenue au travers de nos rôles
Pour être vraiment nourris en attention, nous devons combler notre besoin d’attention d’une manière saine, dirigée vers la personne que nous sommes, et non vers nos personnages.
Vous avez peut-être déjà rencontré des personnes très bruyantes autour d’une cause : elles en parlent sans arrêt, s’enflamment, publient à tout va. Mais si, du jour au lendemain, elles cessaient d’attirer l’attention au travers de leur combat pour une cause, continueraient-elles à s’y investir avec la même ardeur ? Ou bien cette cause, si chère à leur cœur, est-elle en réalité un moyen inconscient d’attirer l’attention ?
S’engager dans une association, lutter pour une « cause », ou encore dispenser de l’apprentissage peut devenir un moyen inconscient d’obtenir de l’attention. Il ne s’agit pas de dire que nous ne devrions combler nos besoins d’attention à travers des activités qui ne sont pas sociales, et c’est un des rares moyens pour des personnes trop seules d’avoir un contact social.
Mais il faut garder à l’esprit que cette nourriture n’est pas forcément portée à la personne en tant qu’être humain. L’attention peut être portée sur le rôle qu’on incarne dans une structure, que ce soit le militant associatif, le professeur ou encore le manager ou le thérapeute.
Nos décisions risquent alors d’être inconsciemment dictées par la question : « Combien d’attention cela me rapporte-t-il personnellement ? » plutôt que par « Qu’est-ce qui est le mieux pour la situation ? ». L’attention excessive peut même mener à une ivresse, laquelle peut mener une personne à « prendre le melon ».
Le love bombing du marketing et des PN
Si vous êtes en train de mourir de soif, et que quelqu’un vous tend de l’eau — et que cette personne semble être la seule à pouvoir le faire — vous risquez de vous sentir prêt à tout pour elle. Elle semblera offrir une solution facile à plusieurs de vos besoins affectifs — et parfois même physiques. Et pour quelqu’un dont les besoins ne sont pas comblés, cela peut être bouleversant — comme boire à pleine gorge après avoir traversé un désert.
Toute organisation ou toute personne sans scrupule qui cherche à vous manipuler le fera à travers vos besoins émotionnels : « il semblait fou de moi : il m’envoyait vingt messages par jour, m’offrait des fleurs, me disait qu’il m’aimait, mais c’était avant que tout ne tourne au cauchemar ». Ou encore « je sortais d’un divorce difficile, je me sentais très mal dans ma peau. Elle me faisait me sentir formidable, me disait que j’étais merveilleux, m’embrassait sans cesse, me répétait chaque jour qu’elle m’aimait. Elle m’a vraiment ensorcelé » …
Le love bombing, ou overdose d’attention, fonctionne aussi bien à l’échelle individuelle qu’au sein d’une secte ou d’une organisation et en marketing. La personne « bombardée d’amour » devient dépendante — puis malléable, manipulable.
Alors, au lieu de se demander d’une personne proche qui semble en pavoisons devant un/e inconnu/e : « Mais qu’est-ce qu’elle lui trouve ? », une meilleure question serait : « Quel besoin comble-t-il/elle chez mon amie/ma parente, et comment pourrait-elle satisfaire ce besoin autrement ? ».
L’effet Hawthorne
Ce nom vient d’une étude menée aux États-Unis dans les années 1920-1930.
Des chercheurs observaient des ouvriers dans une usine pour voir quels changements dans leurs conditions de travail amélioreraient leur satisfaction et leur productivité.
Après de nombreux ajustements matériels, ils ont finalement conclu que ce n’étaient pas les changements d’environnement qui avaient fait la différence, mais l’attention et l’intérêt que les chercheurs leur avaient portés. Autrement dit : l’attention est un levier puissant.
Si quelqu’un meurt de faim d’attention, ou s’il cherche à la recevoir d’une seule source, il peut développer de véritables troubles — allant du harcèlement jusqu’à des pensées suicidaires si la relation se rompt. Quand une seule personne est censée combler ce besoin, tout devient fragile.
Le rôle majeur de l’attention dans les relations humaines
Les relations nous permettent de réguler le besoin d’attention, afin de devenir des êtres humains plus heureux, plus sains et plus efficaces.
Comprendre le rôle central de l’échange d’attention dans nos relations est essentiel.
Pourtant la recette est ancestrale, et simple : C’est entretenir plusieurs amitiés, de nombreux contacts, et participer à quelques événements sociaux par mois … en somme, c’est être en lien.
Je parle là des relations vivantes, réelles, donc y compris disputes, rires et insouciance, des relations d’attention échangées. Et oui, y compris dans le conflit, car rester dans l’échange c’est nourrir l’attention, tandis que laisser le conflit à l’abandon c’est retirer l’attention à l’autre, c’est nier son existence. Ne ghostez jamais vos amis.
Cela nous permet de nourrir ce besoin émotionnel fondamental dans la durée, et nous pouvons alors aussi nous retirer du monde pour vivre un peu en retrait, autre facteur d’équilibre, sans souffrir de manque.
Comprendre l’attention, c’est comprendre les relations
Quand on commence à voir à quel point la recherche d’attention influence tant d’aspects de notre vie, alors toutes sortes de comportements apparemment étranges deviennent soudain beaucoup plus compréhensibles.
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📚 Références :
- Mark Tyrrell, The Dark Side of Your Emotional Needs: Attention
- Donald Winnicott, Jeu et réalité (notion de “holding”)
- Erich Fromm, L’art d’aimer
- Études contemporaines sur la solitude et la santé mentale (Cacioppo, 2008).
- Viktor Frankl, Man’s Search for Meaning (le sens comme nourriture psychique)
- Études sur la motivation extrinsèque vs intrinsèque (Deci & Ryan, théorie de l’autodétermination).
- Idries Shah, The Commanding Self.
- Hannah Arendt Les Origines du totalitarisme
Simone Weil, Réflexions sur le bon usage des études scolaires (sur l’attention comme
Ingrédients pour 2 moules d’environ 20 cm de diamètre :
1kg de farine
150g de sucre
15 à 20g de sel fin
300g de beurre
3 ou 4 oeufs
40cl de lait tiède
45g de levure de boulanger
150g de raisins de Malaga épépinés
75g d’amandes entières
1 petit verre de Kirsch (facultatif)
50g de sucre glace pour le saupoudrage
LA PRÉPARATION
Tous les ingrédients doivent être tempérés.
- Prépare d’abord le levain en mélangeant la levure avec la moitié du lait tiède et la farine nécessaire pour obtenir une pâte de consistance moyenne et laisse là reposer dans un endroit tiède.
- Réunis dans une terrine, la farine restante avec le sel, le sucre, les œufs et le reste de lait tiède. Mélange énergiquement. Bats pendant 15 minutes cette pâte en la soulevant à la main.
- Ajoute le beurre ramolli dans les mains et le levain qui aura doublé de volume. Bats encore 5 minutes cette pâte : il faut qu’elle se détache des parois.
- Couvre-la d’un linge et laisse reposer dans un endroit tempéré pendant environ 1 heure.
- Tapote la pâte, “casse la” et ajoute les raisins préalablement trempés dans du kirsch ou de l’eau, puis ajoute (facultatif) le petit verre de kirsch.
- Dans le moule à Kougelhopf bien beurré, dépose au fond, dans chaque cannelure, une amande (si possible pelée et essuyée) Dépose la pâte dans le moule et laisse reposer une seconde fois. Il faut que la pâte affleure à hauteur du moule.
- Fais cuire dans un four chauffé à 200-210°C (th.7) pendant 50 minutes. Si le kougelhopf se colore de trop, couvre le en cours de cuisson d’une feuille de papier sulfurisé ou réduit la chaleur à 180°C (th.6)
- Démoule et saupoudre de sucre glace.
Dans notre société du jugement forcené, on condamne l’humour, le second degré, la nuance.
Par contre, on autorise la malveillance et la brutalité. On condamne à la malveillance et la brutalité ceux qui ne sont pas d’accord, ceux qui ne pensent pas comme il faut.
Il n’y a aucune écoute, il faut réagir par les principes et les vérités. Quelques mots sur un écran et la guerre est déclarée. La réponse première est la guerre, guerre de mots, guerre de vérités, guerre de « combats », guerre de se montrer et d’être premier.
Les grands inquisiteurs du moment, les neo-féministes, les wokistes, les hygiénistes et les néo-facistes déferlent sur tout l’occident, emprisonnant l’humanité, aveuglés d’une haine qui ne tient pas deux minutes de réflexion posée.
Car non, la prise de recul, c’est un truc de ringards, la nuance c’est dépassé, et l’humour en est leur expression : il faut du second degré pour le saisir. Or, le second degré, c’est pas à la mode, y compris jusque dans les rangs des amis de la planète.
Eux aussi, comme les autres, sont pleins de cette arrogance humaine qui croit dur comme fer que l’Homme est Dieu, qu’il devrait former les humains, la terre et même le ciel à l’image de de qu’il croit être « bon », sans avoir réfléchi une seule seconde au fait que peut-être, peut-être, mais peut-être seulement, relever la tête du guidon pourrait être utile ?
Non, surtout pas, il faut continuer de foncer dans le mur, dans la guerre, celle contre le voisin, celle contre celui qui n’est pas de la bonne couleur de peau, de la bonne religion, de la bonne mentalité, et peu importe si c’était un ami, parfois même un conjoint, « avant ».
Avant quoi ? avant que la folie cyclique des humains ne l’emporte vers ses propres ténèbres, comme si les humains avaient décidé que la guerre était une bonne chose.
La guerre est moche, que ce soit celle contre son voisin, son collègue, ou contre Putin ou Trump. La guerre c’est la destruction de son amour-propre, c’est nier sa propre humanité, c’est penser que l’autre doit apporter la solution au malaise qu’on porte en soi.
La guerre pourquoi ? Toujours pour de mauvaises raisons : posséder. Posséder la terre, posséder les humains, posséder l’argent, posséder la parole.
Mauvaise raison définitivement, car la possession est une invention de l’Homme, c’est ce qui l’a fait sortir du jardin d’Eden, ce jardin intérieur dans lequel nous pourrions tous vivre un peu au moins, au moins de temps en temps.
Je ne souscris à aucune guerre, car elle se produit d’abord en soi.
Dans notre monde moderne, tout doit avoir une cause. Si on est malade, il faut trouver ce qui a déclenché. Et si derrière la cause, il y avait la source ?
“On ne peut pas guérir un arbre en coupant les feuilles malades sans soigner ses racines.”
Cause vs Source : une confusion aux effets secondaires
Prenons un exemple simple. Une rivière est polluée. On cherche la cause : un déversement, une fuite, une poubelle tombée à l’eau. On nettoie. Mais si la source de pollution – une usine plus haut – continue de déverser, la pollution revient. Soigner une cause sans identifier la source, c’est écoper un bateau sans colmater la brèche.
Dans le domaine de la santé, c’est pareil. La cause est l’événement déclencheur : un choc, une infection, une mauvaise alimentation, une fatigue chronique…
La source est ce qui, en profondeur, a rendu le corps vulnérable, ou a entretenu le terrain propice : un déséquilibre ancien, un vide énergétique, une dynamique non résolue, une manière d’habiter son corps, ou de vivre sa vie.
“Chercher la cause, c’est éteindre la flamme. Trouver la source, c’est arrêter l’incendie.”
Une belle métaphore pour comprendre l’urgence de dépasser le déclencheur immédiat.
Médecine occidentale : la cause comme cible prioritaire
Dans les approches biomédicales, on cherche l’agent pathogène, la molécule défaillante, la fracture. C’est précis, efficace, rapide. Et indispensable dans bien des cas.
Mais une fois le symptôme calmé, il arrive que la maladie revienne. Autre organe, autre forme, mais même fond. Ce n’est pas une rechute, c’est la source qui n’a pas été entendue.
Médecines traditionnelles : écouter ce qui cherche à se dire
Dans la pensée orientale (et plus largement dans de nombreuses médecines traditionnelles), le symptôme est un langage. Il parle d’un déséquilibre. Le soigner, oui, mais surtout : remonter le courant, rétablir les équilibres pour aider le corps à guérir (car nul médicament ne guérit, ni aucune médecine ne guérit)
“Le symptôme est la nswletter que le corps nous envoie, la source est le message qu’il essaie de faire passer.”
Pour une alliance des regards
Ce n’est pas un combat entre deux mondes. C’est un appel à la complémentarité. Les médicaments sont nécessaires. Les thérapies d’urgence, vitales. Les interventions ciblées, salutaires.
Mais à côté, il y a tout un monde de compréhension du vivant. Des approches qui regardent l’humain dans sa globalité. Son corps, son énergie, ses émotions, ses rythmes. Pas pour rêver d’un monde sans douleurs. Mais pour accueillir la santé comme un mouvement, une écoute, une responsabilité.
Changeons de niveau
On ne peut pas réparer la vie comme on répare une machine.
Car le vivant n’est pas un moteur, c’est un système complexe aux mille relations et interdépendances.
Et ce n’est pas seulement la branche tombée dans l’eau qui fait barrage. C’est peut-être la montagne en amont qui s’érode depuis des années.
“La maladie ne naît pas soudainement, elle est la conséquence d’un déséquilibre ancien.”
C’est là que commence le vrai soin, celui qui regarde l’histoire complète.