Le côté obscur des besoins émotionnels humains

 

 

Introduction

Nos besoins émotionnels fondamentaux s’enracinent dans les circuits de motivation du cerveau, et cherchent sans cesse à se réaliser. Ils colorent nos pensées, orientent nos choix, et des décisions que nous croyons rationnelles sont souvent des stratégies inconscientes de nourrir nos besoins émotionnels fondamentaux.

Ne pas les respecter est source de nombreux problemes relationnels avec soi et avec les autres. Cette série d’articles les explore et nous permet de mieux nous connaitre. Elle est très largement inspirée des travaux de Mark Tyrrell de Uncommon Knowledge.

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Un groupe de personnes traversait un désert sous une chaleur écrasante. Et soudain, dans la fournaise, sans réseau ni repères, leur véhicule tombe en panne. Ils se retrouvent bloqués, et assez rapidement leurs réserves d’eau s’épuisent. Un homme, devenu fou de chaleur, de panique et de soif, fini par céder et boit de l’huile du moteur de leur véhicule. Il en boit tellement qu’il meurt moins d’une demi-heure plus tard. Cet homme avait un vrai un besoin vital, incontestable. Il pensait le combler … mais le remède s’est avéré mortel !…

Vraie ou non, cette histoire est une analogie de la manière dont nos besoins émotionnels peuvent nous rendre tout aussi vulnérables, et nous pousser à des comportements tout aussi insensés.

« Pourquoi ai-je fait ça ? », «  pourquoi ai-je commencé à fumer, à boire, à jouer ? », «  pourquoi ai-je englouti des gâteaux toute la nuit ? », « pourquoi ai-je cédé à cette petite voix intérieure ? », « mais comment j’ai été si stupide pour suivre aveuglément cette personne / cette idéologie ? » …  et cela parfois jusqu’à se nuire soi-même, à son développement, ou même à sa santé mentale, à ses relations, sa dignité.

Comment des êtres humains pourtant rationnels peuvent-ils agir de façon aussi irrationnelle ?

Cette série sur le côté obscur des besoins émotionnels cherche à montrer comment cette leur peut nous aider, nous, mais aussi les autres, qu’il s’agisse de nos proches, d’amis ou de collègues, à vivre être soi et avec les autres.

 

Nous avons tous des besoins émotionnels fondamentaux

Nous avons tous, à des degrés divers, besoin de donner et de recevoir de l’attention, de nous sentir en sécurité, de tenir compte du lien entre le corps et l’esprit ; Besoin d’avoir un but et un sens à notre vie, de nous sentir reliés à une communauté, d’avoir le sentiment de contribuer — même modestement — à quelque chose de plus grand que nous ; Besoin d’être stimulés, d’être créatifs, de relever des défis à notre mesure, d’éprouver l’intimité, de nous sentir libres et autonomes dans nos choix, et d’avoir un sentiment de valeur, de reconnaissance et de respect.

Lorsque nos besoins émotionnels fondamentaux ne sont pas suffisamment comblés, ou qu’ils ne sont en déséquilibre, nous devenons vulnérables. Et c’est là qu’un besoin devient toxique.

 

Mettre sa maison en ordre

De nombreuses traditions spirituelles anciennes exigaient que le postulant ait d’abord ses besoins émotionnels satisfaits avant de pouvoir chercher un épanouissement supérieur.

Il fallait qu’il ait « mis sa maison en ordre ». Sinon, l’activité spirituelle pouvait être considérée comme une forme de culte basé sur les émotions (voir The Commanding Self d’Idris Shah).

Un esprit affamé cherche des maîtres, des causes ou des amours non pas pour s’éveiller, mais pour combler ses manques. Et il y a un danger à confondre faim spirituelle et carence émotionnelle. L’une élève, l’autre asservit.

Dans The Commanding Self, Idries Shah montre comment le “faux soi” se nourrit de ces compensations : il crée un personnage de plus en plus convaincant, de plus en plus éloigné de l’être réel. Ainsi, nous pouvons nous croire “libérés” alors que nous ne faisons que jouer à l’être éveillé, dans une prison intérieure soigneusement décorée. Il y a une différence profonde entre le fait de ne pas tomber dans les dépendances et le fait de se détacher de ses besoins émotionnels. C’est alors s’aliéner à un système de croyance fermé alors même qu’on prétend être « éveillé/e »…

C’est si l’on adopte l’idée d’avoir d’abord ses besoins émotionnels satisfaits, qu’elle peut initier une vie spirituelle élévatrice.

 

Cœurs solitaires, premières cibles.

Les personnes émotionnellement isolées, celles qui ne donnent ni ne reçoivent assez d’attention, qui manquent d’interactions porteuses de sens ou d’intimité, ou qui ne se sentent pas appartenir à un groupe, deviennent vulnérables.

Les personnes qui ne parviennent pas à combler leurs besoins émotionnels, peut-être à cause de leur environnement ou d’une particularité comme l’autisme, sont elles aussi fragilisées.

Les êtres dont les besoins émotionnels ne sont pas satisfaits deviennent parfois vulnérables à leurs propres pulsions affectives. Et comme le type de mon analogie qui a bu de l’huile de moteur, ils s’exposent alors eux-mêmes à des dangers.

C’est là qu’on trouve les comportements compulsifs et d’évitement. Boire par mal-être, manger n’importe quoi, jouer aux jeux d’argent, faire du sport à outrance, travailler jusqu’à en être saoul, les jeux sexuels déviants…

Les personnes vulnérables sont particulièrement enclines à la dépression lorsqu’elles ruminent ce que sont des besoins non nourris mais mal compris. Comprendre ses vulnérabilités avec tendresse pour soi, c’est faire un pas vers la guérison.

 

Un thérapeute responsable

Un thérapeute responsable travaille à aider ses clients à rééquilibrer leurs besoins émotionnels. Il les aident à comprendre ces besoins, et à lever les obstacles qui empêchent leur accomplissement. Il les accompagne à trouver des moyens durables et autonomes de satisfaire leurs besoins en dehors du cadre thérapeutique. Les séances peuvent être comparées à des petites roues sur un vélo : elles soutiennent le client le temps qu’il retrouve son équilibre, jusqu’à pouvoir s’en passer. Autrement dit, la thérapie est faite pour être dépassée, non pas pour durer indéfiniment.

 

Les fournisseurs de besoins émotionnels

Beaucoup d’entre nous se méfient d’être manipulés par autrui, mais oublient qu’on peut aussi être manipulé par nos propres pulsions émotionnelles, en réponse à des vides émotionnels au travers de comportements insidieux, discrets, de croyances, de peurs irrationnelles, de compulsions et d’addictions, fussent-elles douces et même socialement normalisées.

Et lorsque d’autres perçoivent les besoins non comblés chez nous, ils peuvent choisir d’y répondre… ou du moins d’en donner l’illusion. Dès lors, ces personnes deviennent “le fournisseur” d’attention, de sens, ou d’estime de soi, d’affection, de lien, de valorisation, de confiance, d’intimité … et le marketing est maitre en la matière : nous fournir du sucre émotionnel, des émotions ultra-transformées prêtes à consommer.

C’est en faisant un pas de côté, en passant en revue nos besoins émotionnels, en se posant les bonnes questions, qu’on peut ensuite facilement identifier ce dont nous n’avons en fait pas besoin, ce en quoi nous faisons du mal à nous-même et aux autres, et redresser la barre.

Le dialogue bienveillant de la « psychothérapie dissonante » que je propos permet justement de dégager le terrain des besoins émotionnels, chez soi et chez nos proches.

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Lorsque nous comprenons clairement nos besoins émotionnels, nous voyons aussi pourquoi nos troubles émotionnels se développent, et nous donne un outil précieux pour comprendre quantité de comportements humains autrement inexplicables.