Aimer ce qu’il est impossible d’aimer …
Aimer…la dépression ?!? An anglais, Depressed (déprimé) peut s’entendre par Deep Rest, à savoir un moment profond de repos, d’arrêt, de retrait. Une retraite nécessaire, celle de la folie d’un quotidien qui ne correspond plus à la nature profonde en éveil, ou en réveil.
En Français, De-pression peut s’entendre comme la détente d’une pression trop élevée. On dé-compresse. Et alors c’est comme un grand vide après le trop-plein.
Voilà ce qui m’est arrivé en 2013. Le vide en moi génèrait alors le vide autour de moi, je me sentais seul, incompris, isolé, même pas envie qu’on me comprenne, qu’on m’approche, personne ne peut comprendre, une force en moi ne veut surtout pas faire un pas vers l’autre, vers la compréhension de cette incompréhension.
Commençait alors une traversée du désert … longue, pénible, dans un brouillard dense … de temps en temps une oasis pour me reposer, pour ensuite voir que ce n’était qu’un mirage d’oasis, et le désert, encore … Celui que je générais, celui du deep-rest, la retraite profonde … que j’ai oublié d’aimer !
Notre société fait de nous des machines à gagner, des performeurs, et nous gérons toute notre vie selon les critères et paramètres de performance. Notre société nous a séparés isolés, il n’y a plus de commnautés de villages, de rue, de famille. Tout doit aller vite, on vit deux fois plus longtemps et on se prend plus le temps pour rien ! Plus de partage, plus de temps … les faibles, on les aide à s’adier, mais on ne les aime pas, on ne les protège plus !
… alors comment donc avoir l’idée même d’une retraite profonde, et comment concevoir même l’idée d’aimer ce moment à passer, dans la sécurité perdue du temps pour soi, dans la sécurité perdue d’une communauté qui protège les faibles.
Pourtant, ce temps de prise de recul est le chemin de la découverte de ressources insoupçonnées, et d’une spiritualité plus profonde, d’une humanité élargie. Les grands maitres spirituels ont souvent émergé après une retraite profonde « deep rest ».
Aimer la dépression, une idée stupide, peut-être. Aimer la dé-pression, une idée déjà plus acceptable. Aimer le temps d’arrêt profond, voilà un moment qu’on devrait peut-être s’accorder de temps en temps, avant que le corps ne dise stop à son tour, en nous entrainant dans un gouffre dont on met si longtemps à sortir.
Car c’est un plongeon sans fil quand on craque, que ce soit une sorte de paralysie mentale, ou alors une dérive des croyances qui nous entraine à ne pas pouvoir aimer les autres, vers cette hypersensibilité à tout ce qui vient de l’extérieur, les sons, les voix, les couleurs, les comportements, la nuit, la moindre pluie, même la nourriture, plus rien n’est supportable.
La reconnexion est alors douloureuse, et se fait alors d’une manière nouvelle : C’est une créativité forcée qui est à l’œuvre, car pour qu’émerge quelque chose de nouveau, il faut changer la manière de penser, et d’agir.
Je m’étais entêté à penser que la solution viendrait de l’extérieur, et que changer des choses à la marge arrangeraient tout.
Mais la vie est bien faite, alors quand vraiment j’étais allé trop loin, quand j’ai bloqué, la Vie a fait ce qu’elle sait si bien faire : La Vie est mouvement, elle bouge elle ! et puisque je refusais de bouger, elle s’est chargée de cela : un grand coup de pied, pour que je recommence à zéro, pour que je finisse enfin à émerger : par mes talents, par ce que je sais créer, par moi !
Et durant cette période de perdition, je n’avais souvent plus grand-chose à quoi me raccrocher, sauf la flamme de l’Amour qui toujours brûle en moi. Quelques phrases d’ancrage, quelques inspirateurs, quelques souvenirs heureux, et petit à petit … avec le recul, je me surprends à parfois regretter la facilité avec laquelle je plongeais dans les profondeurs de l’âme, mis à part que je ne regrette pas la souffrance.
Et aujourd’hui, je suis toujours aussi seul, mais je me sens pas seul, au contraire, je sais que je n’ai jamais été seul, c’est moi qui me suis isolé. Mon isolement, mon manque de Vie, mes idées noires, mon manque d’énergie, ma colère rentrée, mon hypersensibilité négative, étaient reliées à la peur. Puis, dans la foulée, avec le départ de Maman, il a fallu apprendre la tristesse.
Au fil du temps, au fil des ans, tout ce qui m’a été offert se transforme, et tout ce qui m’est offert de vivre a toujours quelques longueurs d’avance sur ma capacité de compréhension. Ainsi, je suis toujours surpris, je m’émerveille, et parfois je plonge à nouveau quelques temps dans la tristesse, dans le doute, mais cette fois le doute est un moteur, et la tristesse une façon d’apprendre, de me relever. Bien sûr, dans ces moments, je ne peux rien voir clair. Mais désormais, je me rends compte que je suis aveuglé par les émotions, et qu’il faut laisser passer ce temps que je ne crois pas avoir.
Aimer la retraite profonde, m’arrêter quelque instants au bord du chemin, et regarder la Vie passer. Cesser de croire que je n’ai pas le temps. Plus je m’accroche au temps, moins je peux être créatif, et l’utiliser. Prendre un temps pour soi.
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