Un enfant meurt d’une maladie incurable. C’est triste.

Un fou tue un enfant. C’est triste. Mais il n’y a pas que la tristesse. Il y a dégôut, sentiment de gâchis, colère.

Un terroriste tue un enfant Juif. C’est triste. Mais il n’y a pas que la tristesse, il y a colère et même la haine, et cette fois des certitudes viennent à l’esprit.

Un policier tue le terroriste qui a tué l’enfant. Ce n’est même pas triste, c’est un soulagement pour certains, ou même carrément une joie pour d’autres. Il n’y a même pas de procès, on trouve ça normal. Par exemple, on ne vérifie même pas, de façon indépendante, que la personne tuée était vraiment le bon, ou plutôt le mauvais. Et les dommages collatéraux, on n’en parle pas.

Autre exemple : Un soldat tue un soldat ennemi. Il reçoit une médaille, et la famille de la personne tuée le pleure. Où te situes-tu ? ça dépend où tu es né, tu n’as pas choisi.

A chaque fois, un être humain perd la vie. L’acte de tuer est le même. Pourtant le ressenti est totalement différent.

Qui peut avoir de la peine pour un terroriste ? … Sa famille, s’il a été un bon mari et un bon père. Ces personnes n’ont pas connu la même personne. Elles ont connu un être aimant et protecteur. Peut-être n’a-t-il jamais évoqué sa haine, d’ailleurs. La Terre entière ne regrette pas cet homme, sauf quelques-uns.

Sa mort aura été la conséquence d’une prise de risque, alors que l’enfant innocent de l’exemple cité aura juste été au mauvais moment à la mauvaise place. Les deux morts sont à chaque fois des vies ôtées, mais ce sont leurs significations et les émotions qui s’y rattachent qui sont différentes. Et c’est triste de constater que l’un est mort « pour » une « cause » de haine et de violence.

D’ailleurs, pourquoi dit-on terroriste ? Parce que c’est une appellation qu’on lui a donnée, et qu’il a utilisé pour sa sombre gloire ?  Les médias et les gouvernements aiment-ils la violence au point de faire le jeu de ces gens qui terrorisent les populations bien plus par leur couverture médiatique et leur statut de terroristes que par leurs actes ? Je ne pense pas, mais ce n’est pas très réfléchi que leur offrir un statut et une existence sur les plateaux de télé. En s’opposant, on nourrit ce à quoi on s’oppose.

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Il y a quelques temps, quelque part en France, un prof a été assassiné en plein cours par une personne qui revendiquait quelque chose de haineux, je ne veux pas le nommer. La France entière était en deuil. Très bien.

Quelques temps plus tôt, une prof était assassinée dans la cour du collège. On n’en a pas parlé, car l’assassin n’avait pas le statut de terroriste, il est « juste » plein de haine contre cette prof.

Dans les deux cas, une personne a perdu la vie. Mais ces vies n’ont pas le même statut. Et la valeur du deuil est dépendant du statut de l’agresseur. S’il répond à un statut de terroriste, l’acte prend une grande importance symbolique. L’autre est un tueur isolé. Par conséquent, la haine organisée des groupes dits terroristes a une aura, leur combat est mis en valeur, et la tristesse nationale célèbre finalement l’opposition à une haine organisée, compréhensive, qui peut toucher tout le monde : c’est en fait de la peur ! Car l’autre meurtrier ne menace pas les gens, il ne fait pas partie d’un groupe qui organise des assassinats, et il n’y a pas de peur nationale.

Et finalement, une fois de plus ce à quoi on s’oppose se renforce. Le fait de s’opposer renforce. Si personne n’avait parlé de l’aspect terroriste de l’assassinat du prof, cet acte serait resté un triste meurtre, et le terrorisme aurait faibli. Evidemment, ces connards trouvent toujours moyen de récidiver, mais on n’est pas obligés de leur donner le statut d’organisation terroriste. Si on les donnait des noms ridicules et dégradants, en visant particulièrement leur pseudo objectif, ils seraient plus faibles. Ou si, par un autre exemple, on faisait courir des bruits totalement faux sur eux, des bruits qui vont à l’encontre de leurs objectifs, ils seraient plus faibles ; Ou encore, si on faisait passer les grouillots de base pour des chefs de leur organisation, l’organisation serait affaiblie ; Ou encore, si on attribuait à certains lieutenants des propos contraires à l’organisation, ou contre les autres, la zizanie pourrait prendre. Il est facile de semer la haine dans des esprits complètement haineux. Il y a certainement d’autres moyens d’affaiblir ces gens, autres que la surveillance.

En tout cas, la violence ne peut mener qu’à la violence, et répondre à la violence par la seule violence n’est pas une solution, c’est seulement une barricade, un pansement.

Aucune vie humaine ne devrait être tuée. Aucune. Et la haine ne devrait pas être qualifiée de bonne ou mauvaise. La haine est toujours mauvaise, et elle est très mauvaise conseillère. Évidemment, j’éprouve aussi parfois de la haine instinctive quand passe à l’acte un de ces lâches qui se disent soldats de leurs causes toutes aussi stupides les unes que les autres. C’est un mouvement instinctif, primaire. Mais il est important de ne pas agir de la même manière, car on montre alors exactement la même chose. Il existe des méthodes pour agir de façon plus intelligente, plus calme, plus réfléchie. Il faut commencer, pour cela, par ne pas dire que c’est la faute de l’autre. Chercher ici, chez nous, ce qu’on peut faire mieux pour réduire et calmer le climat. Avec calme, en évitant les jugements, les suppositions, les présupposés. La vraie vie n’est pas un prétoire, la vraie vie c’est des vrais gens, avec des fonctionnements différents, et on peut faire énormément de choses quand on aborde les choses d’une manière calme et sans jugement.