Je suis Dyspraxique. Dans la dyspraxie on trouve un certain nombre d’affections, qui sont plus ou moins actives. Une fois de plus, il ne faut pas mettre d’étiquettes, mais plutôt en ôter.

La maladresse :  » t’es polio ou quoi ?  » je l’entends encore, et l’enfant que j’étais ne comprenait pas. Maladroit, oui je le suis encore, mais je me suis soigné, et je me soigne encore. A quel prix ? Plus de concentration que d’autres pour faire les mêmes gestes ? Je n’en sais rien, puisque je ne suis pas dans la peau des autres.

Difficulté à écrire : Ma maladresse a aussi eu un fort impact sur le fait d’écrire de façon lisible. Le mieux que j’ai pu faire en termes d’écriture, ce sont les pattes de mouches. À l’école, les profs me critiquaient pour ça. Et c’est effectivement très compliqué, je serre le stylo, mais il ne veut que rarement glisser sur la feuille, ma main crispée tremblotte. Jusqu’à présent, je pensais que c’était parce que je suis gaucher. Comme quoi, on trouve des explications qui n’en sont pas. Je me concentre beaucoup pour écrire et je perds le fil, j’ai du mal à organiser mon texte, et ça s’en ressent dans la structure, je ne sais pas synthétiser, organiser, développer.

A l’instant même, je suis en train de réorganiser ce que j’écris. Par exemple, j’ai réabordé le sujet de l’écriture une seconde fois bien plus loin dans mon texte. Evidemment, je réécris sans cesse mes phrases. Je perds mes idées, je re-range sans cesse, j’hésite, je trouve ensuite d’autres façons de ranger ce que j’écris, ce que je pense. Ca a développé une façon de voir les choses de manières plus souple, aussi, et ça peut franchement énerver certaines personnes. J’évolue dans un monde professionnel très rigide, et ma « plasticité » (forme positive de mon handicap) est malvenu dans un tel monde. Je me demande aujourd’hui quel effort immense mes 30 ans dans l’industrie du médicament peut m’avoir fait faire. Cela m’a obligé à me concentrer, à rester focus bien que je n’ai finalement jamais appris à l’être vraiment, j’ai toujours autant de mal : quand, à force de répétition, ça n’entre pas, c’est qu’il y a un hic quelque part. Non, je ne suis pas débile, je suis juste dys.

Pourtant, j’aime écrire. Plutôt, écrire était devenu ma stratégie pour aborder les filles 🙂  comme j’étais maladivement timide, plutôt maladivement complexé, j’abordais les filles par des lettres manuscrites. C’était terriblement romantique, enfantin, et je le suis encore, je pense.

Du fait de la surcharge cognitive, j’ai de la fatigabilité, des problèmes de concentration et d’attention. Par exemple j’ai énormément de mal à écouter des consignes et de les noter, ce qui m’a énormément handicapé à l’école et ce qui me handicape au travail encore aujourd’hui. Parce que j’ai du mal à assimiler la nouveauté et le changement, je suis lent. Et j’ai beaucoup de mal à diriger mes actions dans un but précis. Je mettais tout ça sur le compte d’une dispersion par insuffisance d’attention, je culpabilisais. Tout ça crée de l’anxiété.

Jusqu’à présent, je me suis souvent dit que j’ai l’impression d’avoir des moignons au bout des bras. Et je me suis vraiment désespéré plus d’une fois à ne pas réussir à faire des choses simples comme couper aux ciseaux, faire des ronds au compas, et plus tard faire une soudure électronique, faire des montages … mon père ne m’ayant jamais rien montré, je mettais ça sur le compte d’une hérédité. Pourtant, quand je donne un massage, je suis vraiment doué, j’ai des mains en or selon certaines personnes.

Tout cela a créé de l’anxiété et de l’isolement, par la non-compréhension ; celle des autres, mais aussi de moi-même ! Hier encore, je me jugeais, je ne comprenais pas, et par le passé je me disais parfois que j’avais un côté débile par certains aspects alors que je suis doué dans d’autres choses. Evidemment, le développement scolaire était perturbé. Je me souviens maintenant, et j’explique maintenant, beaucoup de choses. Par exemple, je dis souvent que mon échec scolaire est dû au fait que je ne sais pas assimiler les vérités, qu’il faut que je comprenne par moi-même. C’est probablement un peu vrai, finalement, mais ça m’aurait sûrement beaucoup aidé d’avoir la capacité d’assimiler des choses toutes faites. Ca a développé mon fameux esprit critique, mon côté rebelle, mais aussi une certaine tristesse, une sensibilité particulière, la mienne. Cet handicap explique aussi l’échec de mon orientation scolaire : un enfant qui n’assimile pas bien la théorie est souvent orienté vers des métiers manuels, or, je suis maladroit ! J’ai souvent ressenti comme quoi il n’existe pas de métier pour moi, mais j’aurai surement pu m’orienter vers un métier où ma sensibilité particulière serait mise en valeur.

Cette révélation n’a probablement pas fini de faire son cheminement en moi. De me déculpabiliser, d’éclairer mon cheminement, mon passé, et mon présent. Une fois de plus, je pense, comme mes (autres) malformations (physiques) de naissance, que nos faiblesses sont aussi nos forces. Mais je me demande parfois si le fait d’être né sous forme humaine est plutôt un chemin de croix ou un cadeau. Cadeau, oui par l’incroyable chance dont je bénéficie depuis ma naissance. Et le chemin de la vie n’est pas toujours facile, comme pour tous les animaux, à moi de continuer de marcher sur mon chemin plein de paysages et de belles rencontres.