Cette photo n’a pas le même sens pour aucun d’entre nous. Nous donnons tous un autre sens aux mêmes choses que nous voyons, entendons, sentons…et en chacun d’entre-nous, le sens change…

Cette photo sera « vue » d’une manière totalement différente, selon qu’on soit surfiste, photographe, météorologue … ou encore selon nos inclinaisons, le symbolisme peut voir l’homme courageux qui va se mesurer aux vagues, et pour le rationaliste cette mer n’est pas assez agitée pour faire du surf … ou encore, pour d’aucun comme moi, cette photo peut rappeler le souvenir triste d’un ami disparu après être entré dans l’eau à la nuit tombante …

Pourtant, la photo est la même. La photo est neutre. C’est ce qu’on y voit qui donne du sens à toute chose.

S’identifier à ses points de vue et les conflits qui en naissent

Conflit interne, agacement, frustration, quand je crois savoir mieux que d’autres la vérité sur un sujet. La période covid nous l’a démontré, nous sommes tous trop identifiés à nos vérités. À commencer par les gouvernants, qui tirent de leurs vérités des lois et des règlements, des jugements hâtifs et des condamnations.

Reprenons l’exemple du symboliste et du rationaliste sur la photo :

le surfeur s’avance dans sa vie pour affronter la mer et dompter l’équilibre, etc… on peut en faire un roman, et c’est utile car la vie a besoin de sens. La vision est large, détachée de la matière, suggestive, subjective, créative, onirique même, et elle motive et donne de l’énergie.

Le rationaliste dit que les vagues ne sont pas assez hautes pour surfer. Point. C’est « vrai », c’est « factuel », et c’est tout autant utile. Cette vision est parcellaire, matérielle, focalisée, mesurable, objective, insensible.

Les deux visions sont loin de l’affrontement, elles sont complémentaires. Nous avons besoin des deux visions. Une façon de voir large permet de se rendre compte de l’aspect symbolique des choses. C’est notamment celle qui donne du sens, celle qui permet d’avoir une vue large qui va nous prévenir d’un danger ou à l’inverse de l’arrivée imminente du soleil derrière les nuages, là-bas. Elle est créatrice et nous permet d’entrer en relation avec le monde plus loin que le bout du nez, elle s’ouvre et découvre, et va se confronter à l’inconnu comme le surfeur. Mais elle passerai à côté de ce que la vision focalisée permet de voir.

La vision focalisée permet de mesurer et de peser, de focaliser une situation précise en se détachant de son contexte. Les vagues ne sont pas assez hautes pour surfer, le surf est impossible. Il n’y a pas d’alternative, pas d’espoir de vagues plus hautes, cette vision fait face à ce qui se passe maintenant, dans la hauteur des vagues. Cette vision n’a cure du fait qu’il fait presque nuit.

Tiens, une autre façon de voir de façon est de considérer qu’il fait presque nuit. Et que surfer de nuit est dangereux. Cela induit la connaissance que la nuit est source de danger. On pourrait alors avoir peur. Une peur irrationnelle pour la personne qui voit en la faiblesse des vagues l’impossibilité de surfer, donc l’absence d’exposition au danger.

Ensuite, ajoutons le point de vue de celui qui dit « il ne va pas forcément faire nuit, il y a aussi la possibilité que le jour se lève » , ou encore  » le surfeur sort de l’eau et regarde une dernière fois la mer avant de rentrer chez lui  » … etc…

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La pauvreté du parti pris

Durant la période Covid, nous avons totalement oublié d’adopter une vision large, celle qui nous permet de voir arriver les dangers mais aussi les bonnes nouvelles, celle qui nous relie au monde et aux autres.

Imaginez, au lieu d’adopter une focalisation, nous ayons relevé un peu la tête du guidon pour commencer par échanger : écouter l’avis de l’autre, qu’il soit centré sur un autre aspect de la période ou que l’autre personne ait une vision plus large.

Durant cette période, tout le monde est resté sur sa vision focalisée, étroite, pauvre.

L’expérience de la communication

Au lieu de cela, nous aurions pu comuniquer : Ecouter, ce n’est pas seulement être là et puis rester sur son quant-à-soi « j’ai raison, il a tort », qui est un mur de séparation infranchissable;

Exercice : adopter la vision de l’autre, prendre en compte son besoin et élargir sa propre vision d’une situation permet de s’enrichir. Je pense notamment à ces femmes battues durant les confinements, aux handicapés, aux personnes qui n’ont pas été soignées, à ceux qui ont perdu leur travail, aux pédiatres qui réclamaient que les bébés puissent voir des visages … etc… autant de vies bousculées, brisées, parfois mortes parce qu’une seule façon de voir ce virus était valable et tous les autres besoins mis de côté.

Aujourd’hui encore, il y a tellement de gens qui disent qu’on ne pouvait pas faire autrement. Oui en effet, du moment que la vision reste focalisée, les arguments restent focalisés et valables pour justifier la  vision choisie.

Le choix de voir et de juger

Car cela reste un choix, en fait, de voir une même chose d’une façon ou d’une autre. Si le fait que les vagues ne soient pas assez hautes pour surfer est la seule façon de voir la photo, le surfeur ne prend aucun risque. Si cette façon de voir les choses est la seule valable, vous aurez beau prévenir du danger de la nuit qui vient, rien n’y fera, la vision focalisée sur les vagues ne verra pas le danger. Inversement, si la vision focalisée sur le danger de la nuit venant est la seule qui soit entendable, celui qui émet l’hypothèse que le jour se lève, associé à celle des vagues pas assez hautes, seront qualifiés de dangereux.

Mais le fait de voir les choses d’une manière parcellaire est un choix, ce n’est pas une fatalité imposée par tel ou tel élément extérieur.

Si on est identifié à ses « vérités », on ne peut pas écouter l’autre. Car l’autre représente un danger, celui de remettre en cause l’identité !

Retournements de situations permanents

Vous croyez encore au père noël ? Non ? mais pourquoi donc ? Vous n’avez jamais changé d’avis sur quoi que ce soit ? Les évènements de la vie nous font parfois voir les choses d’une manière totalement différente, nous amenant parfois à dire  » je ne ferai plus jamais ça, ça m’a fait trop de mal « , ou encore  » si j’avais su comme c’est agréable, je l’aurai fait plus tôt « .

La richesse face à la pauvreté

S’ouvrir, apprendre, reconsidérer, réparer, assimiler, nous ne cessons d’évoluer dans nos « vérités », et pourtant nos identités n’en sont pas remises en cause, au contraire elles sont enrichies ! Et c’est une fierté de pouvoir dire  » j’ai changé d’avis et j’en suis content  » ou encore  » ça me faisait souffrir, j’ai changé mon point de vue et j’en suis content « .

Nos identités ne sont pas liées à nos vérités

En fait, nous changeons nos vérités en fonction de l’apprentissage de la vie, et heureusement pour nous, nous ne sommes pas nos vérités. Nos vérités sont seulement le reflet de nos croyances et de nos capacités, à un moment T. Nos croyances comme nos capacités s’élargissent au contact de la vie, des autres, de l’ouverture d’esprit (qui n’est pas une fracture du crâne).

Regarder la photo autrement

Si on se met à la place d’autres, et qu’on considère la photo de manières différentes, la vue s’élargit, la tolérance grandit, la compréhension aussi, l’entente aussi, la collectivité en sort gagnante, et on trouve des solutions pour tous, la paix vient ensuite d’une manière naturelle.

Sur ce, que voyons-nous, ensemble, sur cette photo ?