CHAPITRE 1

 

01h54 : Le fourgon noir file vers le nord en ce froid soir de novembre. Les rais de lumière des phares sont absorbés par la pluie bâtante, et le vent balaye les flancs du véhicule, obligeant le conducteur à rectifier la trajectoire.

02h08 : Péage de Hochfelden, le ticket mouillé resté dans la borne témoigne du passage d’un  fourgon noir aux vitres opaques. La caméra infra-rouge n’a pas bippé la présence de chaleur humaine à l’arrière. Depuis les attentats, les péages sont équipes de caméras spécialisées dont le flux remonte directement dans la forteresse de Wielnitz, Allemagne, pour un examen électronique systématique. De plus, le système trackcar n’a pas décodé le trace GPS du véhicule, mais pas étonnant, depuis que la maintenance est sous-traitée et re-sous-traitée, plus rien n’est fiable.

02h46 le Ford s’enfonce dans la profonde forêt des Vosges du nord.  Des forêts à perte de vue sans réseau, car sans raison. Au fond d’un vallon interminable, des arbres serrés et une suite d’étangs bordent une route forestière étroite et sinueuse, chaque virage ressemble au précédent, et chaque étang au suivant. Seuls les phares du fourgon, absorbés par la pluie, balayent cette immensité faite d’obscurité, d’humidité et de froid.

03h33. Le véhicule s’arrête devant une grille haute et rouillée qui se prolonge de part et d’autre par un grillage tout aussi rouillé. Les phares dessinent un étang et, au fond, une baraque en bois avec un toit de rôle ondulée. La portière côté passager s’ouvre et la silhouette massive se dirige vers la grille. Surgissent alors trois gros chiens, restant muets ils se mettent à l’arrêt. Le molosse ouvre la grille, le fourgon s’y colle en marche-arrière, la porte arrière collée à la bicoque. Les portes du fourgon s’ouvrent, l’odeur pestilencielle donne des haut-le –coeur à Sandy, et « umm, ummmmm » sont les seuls sont qui dépassent du bâillon de scotch sous le sac de toile qui lui recouvre la tête. Puis « CLAC ! » le coup de trique s’abat sur le dos de la jeune femme en pleurs :«  ferme-là ma jolie ! » rugit le tas de muscle qui la traîne hors du fourgon. « De toutes manières, c’est ta dernière station  :  terminus  ! »