15 Février – 22h30 – Seule dans ce chalet perdu au fond de l’immense forêt, Gila s’était glissée au fond de ce lit froid comme la mort. Dehors, le vent ronflait dans les grands arbres, couvrant tout autre bruit potentiel d’un air glacial, elle se sentait sourde. Aucun lampadaire, aucune lueur dans le ciel sans lune, on n’y voit pas à deux mètres, l’obscurité est un abîme et Gila se sentait prise dans le vertige du néant. Voilà deux heures que l’électricité s’était soudain coupée, de manière inexpliquée. La jeune archéologue n’en menait pas large pour ces vacances improvisées et décidées sur un coup de tête. Pas de réseau, un smartphone déchargé, et une unique bougie pour passer la nuit … la nuit allait être … longue … Gila se réfugiait au fond de la couette, il n’y avait rien à faire, pourvu que Luc la rejoigne vite, comme c’était prévu, normalement …

 

15 Février – 22h40 – Luc Gros, 38 ans, architecte et grand sportif, venait de s’enfoncer dans la forêt de Grand, la plus grande forêt de la Franche Comté. Au volant de sa voiture de sport, il se sentait en sécurité. Le poste diffusait le dernier album d’Ibrahim Maalouf, Natacha Atlas chantait … PAF !!!

 

16 Février – 08h30 – Le gendarme Benjamin arrive sur les lieux de l’accident signalé quelques minutes plus tôt. L’avant de l’Alfa est planté dans le marécage au fond de la vallée de la Dame Noire, portière conducteur ouverte, vide, le poste émet un son étrange de mélopées grinçantes qui s’amplifient dans le canyon que forme la rivière Ayre. Il lève le nez et grimace. Le monastère de la Dame Noire se dresse là, à 500 mètres, bâtiment immense, un bloc rectangulaire gris posé sur un socle de granite noir, entouré d’un haut mur, comme une menace au monde, il est enfoncé sur le flanc nord d’un bras de l’Ayre, et nul rayon soleil ne parvient jamais jusque sur ces murs-là.

 

16 Février – 10h30 – Madame Fleury est colère ! Sa locataire du chalet B n’est toujours pas sortie, le client suivant arrive dans quelques heures et elle doit décamper vite fait, faut faire le ménage, tout ranger, préparer pour le suivant. Elle décide de se rendre au chalet. Le vent s’est calmé, la voiture de la Gila est là. La proprio arrive devant la porte et frappe et … la porte est entre-ouverte et s’ouvre sous les coups de la proprio. Elle appelle « Gila vous êtes-là ? il faudrait voir à quitter les lieux, j’ai un autre client qui arrive ! ». Aucune réponse. Elle avance dans l’unique pièce du gite, la porte de la salle de bains est ouverte. Rien, il n’y a personne. Gila s’est volatilisée.