Il y a des jours comme ça, où le jour ne se lève pas entièrement. Tout autant qu’en moi, une latence réside entre les mots, ce fameux et magnifique silence, d’or, dort.

Il faudrait que les jeunes prennent enfin le pouvoir aux vieux. Pour se sauver, eux ! Et pour cela, il faudrait que les jeunes se libèrent de l’héritage.

Après la deuxième guerre mondiale est née la génération qui a brulé la planète. Les deux guerres avaient éreinté deux générations, et les plans de relance avaient fait venir le rêve américain en Europe, puis plus tard partout ailleurs. Ce fut un changement de monde. Electricité, frigo, et un approvisionnement alimentaire d’abondance, sécurité sociale, état providence, enfin, enfin, enfin les peuples sortaient de l’héritage du moyen-âge : le petit peuple n’était pas passé par la renaissance, et avaient servi de main d’oeuvre puis de chair à canon à quelques riches familles entre Napoléon et la fin de la première guerre mondiale. La « belle époque » était un truc de parisiens et n’avait pas tenu ses promesses d’un luxe surané, qui s’est payé par une des plus graves crises au début des années 1930 qui allait déboucher sur un nouveau massacre mondial.

Les enfants de ces horreurs successives sont les boomers, la première génération où le peuple accédait au confort, l’émergence d’une classe moyenne entre les masses pauvres et les riches. Les baby boomers sont un miracle, une révélation, une découverte d’une ampleur inéspérée : la paix, l’opulence, la fin des maltraitances de peuples entiers, l’abondance alimentaire. Et donc, dans la suite logique, la découverte des loisirs, tout ce qui faisait oublier les mauvais souvenirs des aieux, il fallait tout faire pour oublier !

Le résultat, c’est certes des richesses, mais aussi les conséquences de cette insouciance : cette génération a brulé la planète, dans un tourbillon fou. Déjà dans les années 70, soit seulement 25 ans, une génération, après la fin de la deuxième guerre mondiale, les scientifiques alertaient sur la mise en danger de notre cadre de  vie.

Rien, rien, rien n’a jamais freiné la folie de l’ignorance : la course à la dopamine est le grand moteur de cette catastrophe d’une ampleur indicible.

Les enfants et les petits-enfants de ces boomers ont prolongé le rêve fou malgré les signaux d’alerte. La crise du pétrole des années 70 a généré une civilisation du chômage, une génération d’autisme qui ne pouvait juste pas imaginer vivre moins inscouciante que leurs parents. Les envies de fric ont généré l’exportation de l’industrie et de la manufacture à l’autre bout du monde, avec une dérégulation financière et du transport qu’on ne peut même pas imaginer, le sida a refroidi l’illusion d’une insouciance sexuelle, la chute de l’antagonisme est-ouest a libéré un capitalisme sauvage, violent, intrusif. Les enfants des boomers, celle dont je suis, est une génération perdue entre deux mondes qui n’a jamais rien construit, autiste et emportée par les illusions perdues.

Les petit-enfants des boomers sont accro aux écrans et ne vivent plus dans la vraie vie, ils ont des existences virtuelles, échappant ainsi à la violence du laisser-faire de leurs parents. Ils évoluent dans un monde d’un retour aux violences permanentes, celle des guerres, celle des soubresauts permanents, celle d’une santé précaire, celle d’un approvisionnement aléatoire, celle d’un confort lent à s’accroitre avec des retours en arrière violents.

La période d’après-guerre, celle des 30 glorieuses, n’était qu’une parenthèse dans l’histoire d’une humanité qui n’apprend rien de ses erreurs.

Ceci dit, aujourd’hui encore, ceux qui dictent la marche de notre société sont ceux qui ont brulé la planète : ce sont les boomers qui vont voter, et ils votent pour les descendants de ceux qui leur ont permit d’être dans cette ignorance, l’insouciance qui pourtant condamne leurs petits enfants. Cet égocentrisme me peine. Cette génération est à la fin de sa vie, pourquoi donc tant s’acharner à continuer dans cette folie qui n’a plus de sens depuis maintenant 50 ans ?

Les derniers rois de France sont emblématiques de cette génération de boomers : ne rien faire, et surtout ne rien faire qui contrarie les anciennes générations dans leur quotidien habituel : l’économie est toujours tournée vers le confort facile, une illusion déjà passée depuis 50 ans qui est pourtant toujours au pouvoir.

Les boomers ont eu 75 ans en 2020. 75 ans, c’est l’âge où on commence à mourir. 2020 c’est l’année où on a dit qu’il ne faut plus mourir. Les derniers boomers sont nés en 1967, c’est donc encore, en 2023, 20 ans de résistance au changement si on les laisse décider du quotidien des jeunes d’aujourd’hui. Il faudrait déjà avoir changé de modèle sociétal depuis 50 ans !

Et les 20 ans qui viennent seront une lutte acharnée, de pouvoir entre ces vieux croulants et leurs petits enfants : étant très très nombreux, ils vont, à espérance de vie égale, mourir en masses : étant très nombreux, ce sera tout à fait normal, et non pas une catastrophe sanitaire ! On va encore nous balader pendant 20 ans de crises sanitaires en crises sanitaires, exigeants des jeunes et rester cloitrés pour ne pas prendre les lits d’hôpitaux de ceux qui les ont plongés dans ce monde sinistre. C’est triste, non ?

C’est aux jeunes de prendre en main le monde ! Le « système » économique et social est mort et enterré.