cette phrase  » il faut nommer les choses telles qu’elles sont  » contient diverses prisons.

D’abord, le fameux  » il faut « , injonction de celui qui pense avoir raison, celui qui pense détenir une quelconque vérité.

Au lieu de cela, je propose de se libérer, soi, des « il faut », et de ressentir le vent de liberté qui souffle sur les mille et une injonctions qui font notre existence. Sans « il faut », je redeviens libre d’adopter ou non un « il faut » : je ne fais pas telle chose pour répondre à  « il faut  » mais par choix, parce que je le décide moi, parce que j’aime l’idée de faire cela. Faire une même chose par choix intentionnel ou par  » il faut  » change totalement l’énergie de l’action.

Ensuite, le  » telles qu’elles sont  » correspond en fait à « telles que je l’imagine qu’elles sont » à partir de ma carte du monde, c’est-à-dire tout ce que j’ai appris à concevoir, tout ce que j’ai nommé à un moment donné dans ma vie. Et plus j’ai appris de choses sur le mode de l’information, par exemple plus j’ai fait d’années d’études, plus j’ai accumulé de nommage. Si en effet l’information est utile, elle est devenue un outil de reconnaissance de ce qui serait la vérité.

Au lieu de cela, je propose de ne pas enfermer les choses dans un quelconque « telles qu’elles », et même de laisser à toute chose sa part de liberté : oui ok, j’ai une certaine conception de telle chose, pour autant d’autres vérités peuvent exister, et peut-être que je ne sais pas tout même si je suis persuadé de tout savoir »qui me mène parfois à  » oui, je n’avais jamais envisagé cette chose de cette manière, maintenant que je me suis ouvert à ces nouvelles informations (présentées par un contradicteur, qu’il soit une personne ou une information venue par un moyen non-humain), je révise la manière dont cette chose est  » telle qu’elle est « .

Enfin,  » nommer  » les choses, c’est les définir, les placer dans le temps, dans le temps de la personne qui nomme, ou dans la collectivité qui lui donne les codes communs du nommage. C’est enfermer dans les conceptualisations temporelles, temporaires, légataires, et les limiter au sens commun et admis. Ceci n’est pas une pomme, ceci n’est pas un arbre, ceci n’est pas un chat. Mais pour chaque-un d’entre nous, une pomme, un arbre, un chat représentent autre chose. Le nommage ne peut être, seulement, qu’un point de repère, et non pas une définition.

Au lieu de cela, je propose de cesser de coller un nom aux choses, car les choses deviennent leurs noms. Ainsi, je peux à nouveau regarder cet arbre d’une autre manière, et m’ouvrir à tout ce qu’il représente pour moi, ses mille facettes physiques et symboliques, et les ressentis qui s’y associent, les images, les sensations.