Même si on ne nous laisse qu’une ruelle exiguë à arpenter, au-dessus d’elle il y aura toujours le ciel tout entier à porter dans le cœur

Oui, nous autres femmes, pauvres femmes folles, idiotes, illogiques, nous cherchons le Paradis et l’Absolu. Je sais pourtant par l’intellect – un intellect fonctionnant à la perfection – qu’il n’y a rien d’absolu que tout est relatif et nuancé à l’infini et pris dans un mouvement. Et que c’est justement ce qui rend le monde si fascinant, si séduisant, mais si douloureux aussi. Nous autres femmes, nous voulons nous éterniser en I’homme. C’est vrai : je veux qu’il me dise : « Chérie, tu es la seule et je t’aimerai éternellement ». C’est une fiction. Mais tant qu’il ne l’aura pas dit, le reste perdra pour moi tout son sens. Je négligerai tout le reste. C’est cela qui est fou : moi je ne veux pas de lui, je ne le voudrais pas pour compagnon unique et éternel. Mais j’exige de lui qu’il me veuille ainsi. Se peut-il que ce soit précisément ma propre incapacité à donner un amour absolu qui me pousse à l’exiger de l’autre ? Et de plus j’exige une intensité toujours maintenue. Tout en sachant fort bien, instruite par mon propre exemple, que cela est impossible. Mais dès que j’observe chez I’autre une défaillance passagère, je prends la fuite : à quoi s’ajoute évidemment un sentiment d’infériorité, un raisonnement du genre : si je ne suis pas en état de le captiver suffisamment pour qu’il brûle toujours pour moi du même feu, sans jamais fléchir, alors autant vaut n’avoir rien du tout. C’est d’un illogisme diabolique, je dois extirper de moi cette pensée. Si quelqu’un brûlait toujours du même feu pour moi, je serai bien embarrassée. Cela me gênerait, m’ennuierait, briderait ma liberté. Oh. Etty. Etty.

 

Une vie bouleversée de Etty Hillesum
Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-même de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y a de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition.

Porter l’autre en soi, partout et toujours, enserré en soi-même, et là, vivre avec lui. Et cela non pas avec un seul, mais avec un grand nombre. Inclure l’autre dans l’espace intérieur et l’y laisser s’acclimater, lui faire une place où il puisse croitre librement et s’épanouir.

Je suis enceinte, intellectuellement enceinte, et je voudrais enfin mettre quelque chose au monde.-

 

e ne crois pas que nous puissions corriger quoi que se soit dans le monde extérieur que nous n’ayons d’abord corrigé en nous.